LA TEMPÊTE








Jamais la France
n'avait connu un tel désastre. Les 26 et 27 décembre, de la pointe de
la Bretagne et du Golf de Gascogne jusqu'aux bords du Rhin, deux
tempêtes ont balayé le pays avant d'aller traverser l'Allemagne.
Arrachant les toits, déracinant des arbres (il faudra environ deux
siècles pour que les forêts se remettent de ces tempêtes), renversant
les pylônes plongeant ainsi des milliers de foyers dans l'obscurité :
elles se montrèrent d'une violence exceptionnelle. On peut d'ailleurs
compter pour la France environ 90 morts. Ces deux tempêtes que Météo
France s'accorde à appeler maintenant "ouragan" trouvent leur origine
non seulement dans les phénomènes naturels mais aussi selon certains
spécialistes dans l'activité humaine (réchauffement de la planète).



Avant d'expliquer le mécanisme des deux tempêtes, il faut clarifier quelques notions de météorologie.

Pression atmosphérique
(poids de l'atmosphère par unité de surface) est l'une des quantités
utilisées par les météorologistes pour caractériser le temps qu'il
fait, elle est exprimée en hectoPascal (hPa).


Une Tempête est une violente perturbation atmosphérique caractérisée par des vents forts souvent accompagnés de pluie et d'orage.

Un Ouragan
est un vent large et tournant qui se développe au-dessus des mers
chaudes de l'équateur. Ces zones sont appelées tropiques. Ouragans,
typhons, cyclones par définition, toutes ces tempêtes se caractérisent
par des vents rotatifs dont la vitesse dépasse dans certains cas 120
km/h sur l'échelle de Beaufort des vents.


Un Courant-jet est un violent courant aérien au voisinage de la tropopause (surface qui sépare la troposphère de la stratosphère).

Une Dépression
est une zone de basses pressions (inférieures à 1015 hPa en moyenne).
Plus on s'approche de son centre, plus la pression diminue. Dans
l'hémisphère Nord, les vents tournent dans le sens inverse des
aiguilles d'une montre autour de la dépression et dans le même sens que
les aiguilles autour de l'anticyclone (pressions élevées). Ceci est du
à la rotation de la Terre qui fait dévier les vents dans cette
direction au lieu de les laisser se diriger directement des
anticyclones aux dépressions. Dans l'hémisphère Sud, les sens de
rotation sont inversés.



LA TEMPÊTE Image7

<blockquote>Images
satellites des deux tempêtes (les images satellites permettent de
visualiser les déplacements des masses d'air, soulignés par ceux des
nuages)
</blockquote>.
LA TEMPÊTE Image8







La première image a été prise le 26/12/99 à 8h30, la seconde le 27/12/99 à 22h30






Les tempêtes et les
dépressions assurent la stabilité des températures climatiques dans
l'atmosphère. Elles ont les formes que prennent dans les latitudes
au-delà des tropiques les nécessaires échanges de chaleur entre
l'équateur et les pôles.


LA TEMPÊTE Image9




<blockquote>La
redistribution des excès et déficits d'énergie solaire (flèches jaunes)
par les mouvements de l'atmosphère et de l'océan est détournée par la
rotation de la Terre. Cette redistribution est représentée par les
grosses flèches rouge et bleue, c'est la circulation de Hadley. Dans
les latitudes tempérées, la redistribution est représentée par les
flèches plus petites, c'est une circulation tourbillonnaire.
</blockquote>


Les tempêtes sont des phénomènes maritimes, il s'en
forme une toutes les 24H, nous sommes donc bien loin de les recevoir
toutes, elles restent en général en mer.

Les dépressions qui touchent en général l'Europe se forment toujours dans la région de Terre Neuve.

Il existe deux configurations de trajectoire des dépressions.

Dans la première configuration dite de blocage, la
trajectoire se coupe en deux : les tempêtes restent sur l'Atlantique,
l'Europe ne reçoit pas d'eau.

Dans la seconde configuration dite zonale, la
trajectoire s'étend de Terre Neuve jusque normalement les îles
britanniques. Dans cette configuration, nos côtes sont atteintes mais
pas trop durement. Mais dans le cas de décembre, la trajectoire
normalement orientée vers le Nord-Est en fin de course, s'est alignée
sur le 50ème parallèle jusqu'en Allemagne pendant 3 à 4 jours.

La formation d'une tempête se fait en 3 étapes :


Première étape : une nouvelle dépression naît.
LA TEMPÊTE Image10


<blockquote>On
voit ici la première étape du cycle d'évolution d'une tempête sur
l'Atlantique (ou ailleurs). C'est la création, l'apparition de la jeune
dépression. Elle va se former à la pointe de la flèche rouge posée en
surface, puis se propager vers l'Est selon le trait pointillé. La
structure en altitude est le précurseur qui arrivant dans le
courant-jet, va tout déclencher. Il s'agit d'un mécanisme parmi tant
d'autres, mais il semble s'appliquer aux deux tempêtes de décembre 1999.
</blockquote>




Deuxième étape : le voyage vers l'Est
LA TEMPÊTE Image11


<blockquote>La
jeune dépression se propage vers l'Est et se développe lentement, voire
perd de l'intensité. Plus cette étape se prolonge, plus la dépression
avance vers l'Est. Dans le cas des deux tempêtes de fin décembre 1999,
cette trajectoire menait directement vers la France. En général, la
dépression interagit avec le courant-jet et se dirige vers le nord-est.
Dans les cas de la fin décembre, cette interaction s'est produite très
tard, sans doute à cause de la petite taille des dépressions.
</blockquote>




Troisième étape : la tempête
LA TEMPÊTE Image12


<blockquote>Il
se crée une interaction entre la dépression et l'extrémité diffluente
du courant-jet. Dans le même temps, la dépression se vide de son air,
la pression dégringole brusquement. Le moteur fonctionne alors à plein
régime, le vent s'accélère avec force. La dépression tend à "traverser
le courant-jet" du Sud vers le nord. Cette phase se produit normalement
sur le Proche Atlantique, mais, fin décembre, elle s'est produite à
l'aplomb de la France, ce qui est inhabituel.
</blockquote>

Ces trois étapes semblent s'appliquer à la première tempête, pour la deuxième le schéma suivant semble plus approprié.




LA TEMPÊTE Image13

<blockquote>Dans
ce courant-jet, se développe une tempête composée de deux tourbillons
(un en surface, l'autre en altitude) situés comme indiqué l'un par
rapport à l'autre (celui de surface situé à l'est de celui d'altitude),
elle s'amplifie et fabrique du vent tel un moteur atmosphérique. Ce
moteur transforme l'énergie thermique associée au courant-jet en vent,
en particulier en surface. La seconde tempête est restée, tant bien que
mal, sous l'influence de son précurseur d'altitude, dans une
configuration proche de celle ci-dessus, qui finit par franchir le
courant-jet d'elle même.
</blockquote>


Pour expliquer
plus précisément la formation des deux tempêtes de décembre, il faut
donc remonter dans l'Atlantique nord, là où le ciel est parcouru par
des vents de haute altitude (jet-streams = 9000 m). Ceux-ci se sont
formés au large du Canada au niveau de Terre-Neuve prenant une vitesse
de 400 km/h et s'étendant jusqu'à l'Allemagne. Les vents ont rencontré
quelques anomalies au cours de leur voyage telles que des tourbillons
qui l'ont fait onduler. Le jet-stream poursuivit son trajet vers
l'Allemagne au lieu de tourner comme à son habitude vers l'Irlande.
Parallèlement à cela, une dépression se forma à basse altitude
(1000-2000 m) du fait de l'affrontement entre l'air chaud des tropiques
et l'air froid des pôles. Puis une forte interaction se créa entre les
anomalies dues aux tourbillons et la dépression, ce qui eut pour effet
de renforcer les phénomènes, aboutissant à l'ouragan.


Beaucoup de personnes ont été étonnées de l'étendue
des régions frappées par les deux tempêtes : pour eux elle était "très
grande". C'est parce que nous n'avons pas l'habitude de nous trouver au
centre des dépressions météorologiques (elles passent normalement au
nord-ouest et nous ne connaissons que la partie sud-est). Pour les
météorologistes, en revanche, les deux tempêtes sont plutôt petites.
L'échelle caractéristique d'une tempête est plutôt de 1500 à 2000 km de
diamètre, alors que la taille caractéristique de la France est de 1000
km.

La taille d'une tempête est importante pour leur
fonctionnement même ; elle joue un rôle dans l'orientation de leur
trajectoire. Ici comme indiqué sur le schéma, le diamètre est de
l'ordre de 500 à 800 km.




LA TEMPÊTE Image14




Pour
résumer, nous pouvons constater qu'il y a eu dans la nuit du samedi au
dimanche 26 décembre, des vents d'une violence exceptionnelle
accompagnant la très profonde dépression (960 hPa aux environs de
Rouen) qui a traversé de part en part et très rapidement le nord du
pays et qui s'est déplacée à une vitesse d'environ 100 km/h. Dans la
nuit du lundi au mardi 28 décembre, la deuxième dépression allant à peu
près à la même vitesse que la première, s'est creusée en matinée du
lundi 27 au large de la Bretagne et a atteint en son centre 965 hPa en
rentrant sur la pointe sud de la Bretagne. Sa trajectoire a ensuite
suivi une ligne: Nantes, Romorantin, Dijon, Alsace, pour s'évacuer vers
l'est.


Les météorologues ont
ainsi pu enregistrer des vents jusqu'à plus de 200 km/h, et ils ont
dépassé 150 km/h sur une grande partie des régions touchées.





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Selon
les spécialistes ces événements auraient plutôt tendance à
s'intensifier. En effet, le réchauffement de la planète, dû en partie à
l'activité humaine suffit à désorganiser la machine en modifiant les
flux thermiques, les taux d'évaporation, les courants marins et
atmosphériques. Car plus l'air est chaud, plus il est capable
d'emmagasiner de la vapeur d'eau qui tôt ou tard se changera en pluie
ou neige plus ou moins diluviennes. Les catastrophes mondiales de ces
derniers mois sont peut être alors les signes avant-coureurs d'un
changement radical du climat.